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Principe d’innovation, principe de précaution et Avances financières

Les adversaires du « principe de précaution » ont marqué un point décisif à Strasbourg, en faisant adopter un « principe d’innovation » antagonique par le Parlement européen, dans la nuit meurtrière du mardi 11 décembre 2018.

Lors d’un changement de dernière minute au cours du débat sur « Horizon Europe », projet de 120 milliards d’euros consacrés à la Recherche, un groupe comprenant l’eurodéputée portugaise Marisa Matias a tenté sans succès de supprimer les références dans le texte proposé à un « principe d’innovation ». Le parti de la gauche européenne, s’est plaint de ce que « personne ne sait vraiment ce que c’est ».

La législation de l’UE recourt souvent à un « principe de précaution », ce qui signifie fondamentalement que les décideurs politiques assument une aversion extrême aux risques lorsqu’ils réglementent dans des situations incertaines. Dans les traités de l’UE, la doctrine s’applique d’abord à la protection de l’environnement, mais aussi de la santé et des données personnelles. Dorénavant, la version du Parlement d’Horizon Europe invoque aussi « le principe d’innovation » dans son préambule. Le problème, disent les eurodéputés pro-innovation, est que « nous avons trop de discussions préalables sur les dommages potentiels d’une technologie, alors même que nous n’en sommes pas encore à la phase de mise en œuvre ». Le principe d’innovation, quelle que soit sa définition, est né d’un désir « de s’assurer que nous ne limitons pas l’innovation dès la première phase ». Ils rejettent les affirmations selon lesquelles le principe d’innovation est le résultat d’un lobbying de l’industrie.

S’exprimant au cours du débat parlementaire, le commissaire à la recherche, Carlos Moedas, un social-démocrate portugais, a rétorqué que « nous avons besoin d’un principe d’innovation, nous avons besoin d’un principe de précaution. Les deux sont complémentaires et importants pour l’Europe ». Cette recherche de compromis ne doit cependant pas masquer les enseignements de la science économique en matière de croissance fondée sur l’innovation.

Les 120 milliards d’euros envisagés par le Parlement européen pour mettre la recherche européenne au niveau des recherches américaine et chinoise auront-ils le même impact dans un contexte précautionneux ou dans un contexte innovateur ? Le budget ainsi défini doit être considéré comme une avance financière à des entrepreneurs européens adjudicataires (quid des Britanniques ?) ayant pour objectifs des résultats utiles au moins pour reconstituer les avances perçues et dégager du profit, en particulier dans un système de marché.

L’évaluation de l’impact d’Horizon Europe doit donc se faire à l’aune de la reconstitution des 120 milliards d’euros distribués. Si l’on estime raisonnable de considérer que les activités mises en œuvre dans ce cadre dégagent, par exemple, une rentabilité moyenne de 10%, cela signifie que l’on doit attendre d’Horizon Europe un cumul de réalisations marchandes associées de 1200 milliards d’euros. Si le taux de rentabilité moyen est apprécié à un niveau plus élevé, par exemple, 20%, alors le volume des activités nécessaire à la reconstitution des avances est de 600 milliards d’Euros. Si, malheureusement, le taux moyen ne peut dépasser 5%, alors le volume d’activités nécessaires pour reconstituer 120 milliards est de 2400 milliards d’euros ! Et si le volume d’activités mesurables reste flou et caché sous le tapis, alors cela signifie que l’on aurait pu mettre ce budget sur d’autres projets que la recherche.

Cette démarche intellectuelle évaluant le retour d’une avance financière à sa proportion dans le volume des activités auxquelles elle est rattachée est connue depuis Jean-Baptiste Say. Elle est au cœur du principe d’innovation.

Consensuel, le « principe d’innovation » cible les réglementations de toute nature. Que dit ce « principe » ? En des termes très généraux, que « l’impact sur l’innovation devrait être pleinement évalué et pris en compte » à l’occasion de chaque initiative législative. L’introduction de ce principe dans le préambule d’Horizon Europe est donc en soi une belle innovation.