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Quel entrepreneuriat innovant au Maghreb ? par Sonia BEN SLIMANE (ESCP Europe)

Le dernier rapport 2018 du Global Entrepreneurship and Development Institute (GEDI) place les pays du Maghreb dans la moyenne mondiale des pays présentant des perspectives de croissance d’un système national d’entrepreneuriat innovant. Malgré l’instabilité politique qu’a subie la région avec des intensités plus ou moins importantes combinée à un déclin de sa compétitivité en raison de la concurrence renforcée sur les produits innovants et un déplacement des investissements étrangers vers d’autres régions, notamment en Asie et en Amérique du Sud, les pays maghrébins continuent à s’intégrer dans l’économie mondiale et parfois à montrer de l’aplomb face à des pays développés.

Le Global Entrepreneurship Index (GEI) considère trois indicateurs composites : les attitudes, les aspirations et les capacités entrepreneuriales qui convergent avec les piliers des systèmes nationaux d’entrepreneuriat innovant. Les résultats soulignent le bon classement de certains piliers stratégiques communs aux trois pays, notamment la capacité d’innovation dans les produits et les procédés. Cette capacité résulterait d’un effet d’apprentissage positif lié aux investissements directs étrangers, qui leur ont permis de développer une capacité d’absorption technologique au-dessus de la moyenne mondiale. Les flux d’investissements directs étrangers en direction de ces pays avaient considérablement augmenté sur la période 1990-2010 passant de 241 M$ à près de 10000M$[1]. Bien qu’ils étaient ventilés selon des secteurs différents avec une quasi similitude entre le Maroc et la Tunisie et une orientation spécifique en Algérie dans les hydrocarbures, un effet d’apprentissage par la pratique et par l’interaction avec des compétences étrangères, leur a permis de développer une réelle aptitude à intégrer, à utiliser et à développer des produits et des procédés technologiquement innovants[2].

Paradoxalement, ces pays partagent les mêmes faiblesses contextuelles, telles que l’aversion au risque, le manque de support institutionnel à l’activité entrepreneuriale, le manque de compétitivité, et l’incapacité des entreprises à se concurrencer sur les marchés internationaux. Ces faiblesses peuvent être expliquées par l’instabilité politique, source de corruption ainsi que par des politiques très protectrices, inhibant la prise de risque entrepreneurial. Ce contexte très ancré dans cette région a eu pour conséquences d’abord, de cantonner les entrepreneurs à investir dans des activités rentables mais classiques et à calquer un schéma de développement hérité des expériences historiques nationales dans les secteurs du textile, de l’immobilier, de l’agroalimentaire et de la santé. Ensuite, cet environnement statique et trop protecteur freinerait la capacité des entreprises du Maghreb à innover en vue de concurrencer d’autres entreprises sur les marchés internationaux et dans les secteurs technologiques.

Le numéro thématique « Entrepreneuriat innovant dans les pays du Maghreb : vers de nouveaux champs d’investigation » de la revue Marché & Organisations (2018/3, N ° 33) montre, à travers la diversité des exemples retenus, une cohérence entre ces résultats et la réalité de l’activité entrepreneuriale dans les pays du Maghreb. Les neuf contributions de ce numéro confirment l’émergence et l’existence de piliers stratégiques de l’écosystème de l’entrepreneuriat innovant, en particulier l’émergence de l’entrepreneuriat universitaire et des secteurs technologiques. Ils soulignent cependant les facteurs qui entravent le développement de cette activité : l’inefficacité des acteurs institutionnels chargés de l’affectation et de la coordination des ressources, ce qui renforce le rôle du réseau informel. Enfin, ils soulignent le manque de compétences et d’expérience, entrepreneuriales pour expliquer l’échec de certains exemples entrepreneuriaux.

 

Pour aller plus loin :

Marché et organisations

2018/3 (n° 33)

L’entrepreneuriat innovant dans les pays du Maghreb

[1] En millions de dollars, source CNUCED.

[2] BEN SLIMANE, S., ZOUKRI, M. (2016), Investissements directs étrangers et capacité d’absorption nationale : les leviers de croissance des économies du Maghreb, Marché et Organisations, N°26(2), pp19-47. Ed l’Harmattan.