Consultez l’édito du mois de novembre 2018 !

Innovations de la diversité, par Sophia BELGHITI-MAHUT1, Viviane de BEAUFORT2, Anne-Laurence LAFONT3, Ouidad YOUSFI4

Il a fallu de nombreuses années pour que l’innovation cesse d’être envisagée d’un angle restrictif ne permettant d’entrevoir que les  deux dimensions, souvent confondues, technique et technologique. Cette approche « concours Lepine » est très réductrice de la réalité dans les entreprises d’aujourd’hui. Elle marginalise certaines innovations plus hybrides ainsi que les acteurs qui sont impliqués dans leur conception et leur mise en place. L’hybridation de l’innovation nous amène à repenser nos approches didactiques visant à mieux comprendre son environnement,  ses déterminants, ses acteurs jusqu’à ses finalités. Aujourd’hui l’innovation ne peut pas être réduite à l’introduction d’un nouveau produit ou l’offre d’un nouveau service ou la mise en place d’un nouveau mode de gouvernance, elle invente nos modes de communication et nos modèles de société.

 De nombreux rapports ne cessent de valoriser les formes non-techniques/technologiques de l’innovation (Stratégie EUROPE2020 rapport de l’OCDE, 2007) et les acteurs qui y sont impliquées en insistant davantage sur l’intérêt d’avoir plus de diversité. Le but ultime est de développer une innovation pérenne et responsable à la hauteur des espérances de toutes les parties prenantes.

Cette approche a permis d’attirer l’attention sur le rôle que les femmes peuvent jouer en entreprise, notamment dans les instances de pouvoir et de décision mais aussi celui des femmes qui se projettent sur le marché pour monter leurs propres business et créer leurs propres innovations.

 Les femmes ont été longuement considérées comme des étrangères à ces milieux où l’innovation se produit. Ce constat s’explique d’une part par une approche de la littérature très biaisée et restrictive de l’innovation, notamment de sa définition, de son environnement et de ses moyens. Quand il s’agit d’évaluer une innovation, les recherches se focalisent sur les inputs de l’innovation tels que les dépenses en R&D ou les outputs de l’innovation tels que le nombre de nouveaux produis/processus, le nombre de brevets… en marginalisant les processus et les mécanismes permettant de faire le lien entre l’input et l’output.

D’autre part, les femmes sont relativement absentes dans les parcours et formations scientifiques, des parcours traditionnellement supposés comme favorables à l’apparition d’acteurs innovateurs. Quand elles créent des entreprises, elles choisissent le secteur des services. Ce secteur est relativement peu abordé dans la littérature sur l’innovation en comparaison avec d’autres secteurs comme les NTIC, l’industrie, la santé,…

Le but du numéro spécial de la revue Innovations intitulé «  Modes Socio-économiques de l’innovation » (2018, n°56)  est de présenter un état de l’art sur l’avancée des recherches sur le profil des innovateurs, notamment quand les innovateurs sont des innovatrices. Il présente des pistes de réflexions intéressantes sur l’écart entre une littérature sur l’innovation qui peine à placer l’innovateur au centre de ses recherches et une entreprise en perpétuel interaction avec son environnement et avec des frontières de plus en plus poreuses et transparentes.

En mobilisant différentes approches, méthodologies et terrains, ces articles mettent en lumière les difficultés que rencontrent les femmes pour trouver leur place notamment quand elles introduisent des innovations mais aussi les stratégies qu’elles déploient pour y parvenir.

A titre d’exemple, Amélie Notais et Julie Tixier nous proposent un modèle entrepreneurial innovant à travers l’expérience de deux entrepreneures sociales, dans les quartiers difficiles de La Courneuve : un modèle entrepreneurial en accord avec leurs valeurs et favorisant une meilleure cohésion sociale. Un autre exemple ?

A propos des auteurs :

1 COHRIS, Université Paul Valéry, Université Bourgogne Franche-Comté, sophiamht@gmail.com

2 CEDE, ESSEC, beaufort@essec.fr

3 MRM, Université de Montpellier, anne-laurence.lafont@umontpellier.fr

4 MRM, Université de Montpellier, ouidad.yousfi@umontpellier.fr

 

Bibliographie : 

Pour aller plus loin : https://www.cairn.info/revue-innovations-2018-3.htm