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L’espace comme champ d’opportunités d’innovation

 

En 1957, le lancement réussi du premier satellite artificiel, Spoutnik 1, a concrétisé l’entrée de l’humanité dans une nouvelle période historique : l’âge spatial. La maitrise de l’environnement spatial qui est mal connu et très différent de l’environnement terrestre, a nécessité d’intenses efforts d’innovation. Grace à sa capacité à surmonter des difficultés à la fois technologiques et organisationnelles, l’industrie spatiale a connu des réussites qui ont largement débordé du domaine spatial. On peut citer par exemple les vols spatiaux habités, la conquête de la Lune ou encore les satellites de télécommunication.

Depuis les années 2010, l’industrie spatiale est entrée dans une nouvelle phase du fait de six ruptures interdépendantes : (1) nouveaux entrants, (2) nouvelles applications, (3) nouvelles technologies, (4) nouvelles politiques, (5) nouveaux procédés, et (6) nouveaux financements. Souvent nommées « New Space », ces ruptures ouvrent de nouveaux champs d’opportunités pour l’innovation car elles soutiennent l’idée qu’il est possible de faire plus avec les technologies spatiales. Contribuer à l’économie des télécommunications, du transport ou encore prendre part à la recherche scientifique n’est plus considéré comme suffisant. Si les ruptures ne s’essoufflent pas, comme c’est souvent le cas avec les opportunités d’innovation, le New Space pourrait transformer en profondeur la structure de l’industrie.

La rupture la plus visible constitue l’arrivée de nouveaux entrants qui cherchent à exploiter les opportunités d’innovation offertes par les technologies spatiales. On trouve ici des sociétés spatiales portées par des entrepreneurs emblématiques comme le fondateur de Tesla, Elon Musk, qui a créé la société SpaceX ou encore le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, qui a créé la société Blue Origin. Cette intense activité entrepreneuriale est assez exceptionnelle dans une industrie historiquement dominée par des organisations publiques (e.g. NASA, DoD, ESA, CNES) et de grandes firmes (e.g. Boeing, Lockheed Martin, Airbus DS, TAS). Les nouveaux entrants sont parfois aussi des firmes qui cherchent à se diversifier, dans ce groupe ont à une surreprésentation des sociétés issues de l’économie de l’Internet (e.g. Google, Facebook). Parmi les nouveaux entrants, on trouve enfin de nouveaux gouvernements issus de pays en voie de développement qui considèrent le spatial comme une opportunité pour structurer l’effort d’innovation national (e.g. Angola, Afrique du Sud, Venezuela, Vietnam).

Les nouvelles applications spatiales constituent la seconde rupture la plus visible. On est ici au cœur de l’idée qu’il y a des opportunités d’innovation inexploitées et qu’on pourrait faire plus avec les technologies spatiales. Les applications les plus ambitieuses sont le tourisme spatial, l’exploitation minière des astéroïdes et bien entendu la colonisation de la Lune et de Mars. Parmi les nouvelles applications envisageables à plus court terme, on peut citer le ravitaillement des satellites en orbite et le contrôle du trafic spatial. Concernant la chaine de la valeur aval, on observe ici un bouillonnement de projets innovants nécessitant des données transmises par les satellites. On peut citer la voiture autonome, la prévision des risques liés au changement climatique ou tout simplement les nombreuses applications pour smartphones ayant recourt aux satellites de géolocalisation (e.g. Uber) et d’observation de la Terre (e.g. Google Maps).

Souvent moins visibles que les précédentes ruptures, les nouvelles technologies spatiales sont la dernière rupture que nous souhaitons commenter car elles sont à l’origine de nombreuses opportunités d’innovation. Ce sont notamment les nouvelles technologies visant une baisse drastique des couts qui présentent l’impact potentiel le plus important. En laissant entrevoir une réduction des barrières à l’entrée, les nouvelles technologies stimulent l’apparition d’autres ruptures comme les nouveaux entrants et les nouveaux marchés. La miniaturisation des satellites et la mise au point de lanceurs réutilisables sont les évolutions technologiques les plus ambitieuses mais aussi les plus risquées.

De leur apparition jusqu’à nos jours, les activités spatiales ont toujours constitué des champs d’opportunités pour l’innovation. Les sciences formelles et de la nature, les sciences politiques, tout comme l’histoire et le droit, ont depuis longtemps investi ces champs d’opportunités. En revanche, les sciences économiques et de gestion se sont montrées beaucoup plus timides. Nous pensons que l’économie et le management de l’innovation ont un rôle central à jouer pour aider à investir les champs d’opportunités offerts par l’âge spatial.

 

Victor DOS SANTOS PAULINO, TBS Business School

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