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Le luxe à l’ère du numérique

En 2019, en valeur boursière et selon les données WPP/Kantar, six des dix plus grandes marques de luxe au monde sont françaises (Louis Vuitton, Chanel Hermès, Cartier, Dior et Yves Saint Laurent). La France est leader mondial du luxe, mais les signes de diversification en termes d’options stratégiques interpellent le manager et le chercheur.

En effet, bien qu’il soit l’une des industries les plus traditionnelles, le secteur du luxe est très dynamique et évolue rapidement sous l’influence de nouvelles idées et de technologies. L’une de ces influences est la généralisation des technologies numériques et des réseaux sociaux dans la prospection, le choix ou encore l’habitude de consommation. Elle remet en question un certain nombre de fondamentaux des marques du luxe, notamment l’exclusivité, le statut, l’authenticité et la perception sensorielle. L’accès virtuel, numérique, au luxe est différent que celui qui se réalise hors ligne. Dans la littérature sur le luxe, des expressions spécifiques comme « webmosphère du luxe » ou « luxemosphère » ont été développées, indiquant la nécessité d’adapter les conceptualisations traditionnelles au contexte numérique. Des études expérimentales ont mis en évidence que le luxe dans un environnement numérique implique l’introduction de nouveaux critères de définition et de description mettant l’accent sur les nouvelles relations qui s’établissent entre le consommateur et la marque. Cependant, on sait peu de choses sur les mécanismes sous-jacents qui se manifestent dans ces nouveaux phénomènes. Le luxe est un secteur bien étudié dans les domaines des affaires, du marketing et de l’économie, mais la plupart des recherches existantes se concentrent encore presque exclusivement sur les produits de luxe, ignorant les services de luxe, les expérimentations, la façon dont les consommateurs construisent leurs propres imaginaires et besoins, ainsi que les impacts des technologies numériques sur l’offre et la demande, sur le design, la production, la perception et la consommation.

Il est donc nécessaire d’adopter une démarche pluridisciplinaire et holiste pour étudier les mutations et l’évolution de la demande à l’ère du numérique afin de comprendre les grands défis auxquels doit faire face cette industrie dans les années qui viennent.

Pour ce qui concerne la France, son industrie du luxe est unique et compétitive. L’art de vivre français, bien qu’étant un concept abstrait, contribue fortement à la renommée de ce secteur. Le « luxe français » est considéré comme un secteur d’excellence qui associe la culture, l’art de vivre et les marques historiques. Les cinq piliers de l’art de vivre à la française que sont l’art culinaire, les beaux-arts, la haute couture, la littérature et l’art du parfum peuvent constituer des axes de renforcement de l’avantage concurrentiel des entreprises du luxe françaises. Mais cette orientation nécessite l’intégration dans les stratégies de développement et d’expansion des technologies numériques qui modifient le comportement des consommateurs et transforment les processus de production et de commercialisation de tout type de bien et de services de luxe.

Par Wided Batat

A lire :

Marché et organisations 2020/1 (n°37), « Rethinking luxury business », dirigé par Wided Batat, Associate Professor, American University of Beirut

 

 

Rethinking luxury business

Marché et organisations 2020/1 (n° 37)