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L’innovation comme remède aux maux de la santé

Face aux nombreux défis complexes du secteur de la santé (maladies chroniques, vieillissement de la population, accroissement des inégalités sociales et territoriales de santé, renchérissement du coût de certains traitements…), on observe un bouillonnement de réponses novatrices (innovations technologiques, innovations organisationnelles et managériales et de business models…) qui cependant peinent à se pérenniser et à transformer durablement ce secteur.

En effet, les solutions à apporter, la manière de les imaginer et de les déployer restent des défis majeurs dans le champ de la santé, caractérisé par sa nature fortement institutionnalisée et pluraliste. La variété des acteurs qui y agissent forme bien davantage un système aux cloisonnements professionnels et structurels, marqué par une intrication des lieux de prise de décision et des intérêts rarement alignés, peu favorables à embrasser des enjeux complexes de manière collaborative et participative. Surmonter ce défi appelle à questionner les conditions et les modalités selon lesquelles ces innovations émergent et peuvent se diffuser.

Face aux quasi injonctions portées par les politiques publiques « par le haut », l’on doit reconnaître et outiller les acteurs « du bas » (professionnels, usagers) qui imaginent et expérimentent des solutions novatrices au plus près des besoins des personnes dont ils ont la charge, et qui émergent des pratiques quotidiennes de ces acteurs. Cela requière de reconnaître une légitimité d’expertise à des parties prenantes trop longtemps absentes des processus d’innovation, telles que les patients eux-mêmes ou les professionnels qui peinent ou n’osent pas rendre compte de ce qu’ils font au quotidien, invisible alors. Le déploiement d’approches originales fondées sur les principes du design dans des établissements de santé permettent d’élaborer des services qui embrassent bien mieux les attentes de tous ; ces approches stimulent l’ensemble des participants en faveur d’une analyse collective de leurs activités cliniques. Elles permettent ainsi de réduire la distance entre la conception de pratiques telles qu’imaginées par les concepteurs et les pratiques réelles des utilisateurs. Les ateliers de design forment ainsi un espace de co-production de connaissances sur les pratiques des soignants, les attentes des patients et un espace de dialogue sur les choix technologiques à retenir. D’autres approches méthodologiques déployées en santé communautaire reposent sur l’élaboration de référentiel métier à partir de réflexions éthiques sur les postures professionnelles et sur la visée politique de la transformation sociale poursuivie.

Quand on s’intéresse au déploiement local de cadres d’intervention prônés par les autorités publiques, une appropriation des cadres conceptuels prônés par « le haut » requière un « travail relationnel » entre l’ensemble des acteurs pour une adaptation locale pérenne et pertinente, afin que les professionnels de terrain se comportent, non comme de simple relais d’injonction, mais comme des éditeurs du changement. Ce travail relationnel permet de renforcer une proximité institutionnelle entre toutes les parties autour de l’objet de l’innovation (un nouveau mode de prise en charge par ex. autour de principes d’action), grâce à la construction de quelques éléments de compréhension et de langage communs.

Corinne Grenier

KEDGE Business School (France)

A lire :

 

Innovations

Revue d’économie et de management de l’innovation

« La santé. Innovations de modernisation »

2019, 60(3)