Le concept de protectionnisme a fait l’objet pendant près de 150 ans d’une critique systématique sans qu’il y ait eu véritablement une approche scientifique de cette question. La Doxa libérale et le néolibéralisme actuel ne se sont fondés finalement que sur la théorie des avantages comparatifs de Ricardo. Théorie qu’il faut le dire n’a pas de base scientifique, encore moins de base historique, factuelle. En fait l’approche de Ricardo présente une séduction logique à ceci près que la question du commerce international ne peut pas être réduite à un pur monde de l’échange. De la même façon que la question du commerce international est indissolublement liée à la question de l’État, donc à la question de la souveraineté, donc aux conflits de puissance.
De quoi avons-nous besoin aujourd’hui ? Tout d’abord il faut sortir radicalement de la position ricardienne qui considère comme une vérité absolue la théorie des avantages comparatifs. Théorie qui continue d’être enseignée à tous les étudiants des facultés comme la seule vérité. Un examen même superficiel de la réalité du commerce international est suffisant pour se rendre compte que cette approche théorique est globalement fausse. Lorsqu’on parle du protectionnisme la première question est de savoir de quel protectionnisme parle-t-on : droits de douane, pouvoir de marché, barrière à l’entrée, normes réglementaires, etc. On doit rouvrir la discussion et de sortir des préjugés et des dogmes idéologiques du néolibéralisme. Cela signifie en particulier mobiliser tout à la fois la théorie, la technique, l’histoire et la science politique. Une approche véritablement scientifique de la question des relations commerciales internationales est nécessairement interdisciplinaire au plein sens du terme. Le véritable travail aujourd’hui consiste non pas à développer des modèles théoriques sophistiqués mais à réaliser d’abord une description de l’existant, de la réalité de ce qu’est aujourd’hui le commerce international.
Les physiocrates ont souligné l’idée d’un ordre naturel commun à toutes les choses, intrinsèque à leur nature et, également, au phénomène économique. Le paradigme de cette tendance est résumé dans la célèbre devise « laissez faire », phrase attribuée à Vincent de Gournay (1712-1759), Ministre français du Commerce, opposant, comme les physiocrates, à l’approche traditionnelle du centralisme régulateur colbertiste. La confrontation entre libéralisme et protectionnisme a été reconstruite depuis les premières mesures médiévales datant de 1426, puis retracée chronologiquement à travers ses principaux points tels que le colbertisme, la question des lois sur le blé ou le tarif Smooth-Hawley. Par la suite, afin de mieux comprendre le sujet, une série d’évaluations politiques ont été fournies sur le phénomène protectionniste dont la nature ne se limite pas au seul raisonnement économique, mais qui, au contraire, affecte également les sphères culturelles et sociales de notre société.
L’histoire économique offre d’autres méthodes pour réduire les importations étrangères, telles que des normes de qualité élevées pour autoriser la vente de biens étrangers à l’intérieur des frontières territoriales du pays ou la restriction des marchés publics aux entreprises nationales. En ce qui concerne le protectionnisme financier, on peut dire que, dans ce cas, le soutien de l’État consiste essentiellement à contrôler et manipuler les principales variables économiques nominales, en premier lieu le taux d’intérêt et le taux de change. Essentiellement, une politique de modification de la courbe risque/rendement de l’investisseur est mise en œuvre en modifiant de facto le rendement attendu du projet de manière à rendre une action nationale plus attrayante sur le marché boursier plutôt qu’une action étrangère.
Il est nécessaire donc de resituer le protectionnisme dans les politiques concrètes, le monde de la production, de la consommation, des modes de vie et pas seulement celui de l’échange.
André Tiran
Université de Lyon
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