Décider face à l’incertain : « Reste » et « Reste causal »
dans le contexte de la transition écologique
17 juin 2024, 9h30 – 17h30 (Accueil 9h)
Lieu : Cnam, 292, rue Saint-Martin, Paris 3e
HT2S/LIRSA, Cnam et soutenue par le RRI
La décision politique et économique relative à la transition écologique se prend dans un contexte d’incertitudes radicales où l’efficacité du triptyque Science/Expertise/Politique repose sur la capacité à prendre en compte l’imprévisible. La prospective, la science post-normale ou encore le principe de précaution apportent des éléments de réponses à cette exigence qu’il convient cependant d’approfondir : par exemple, l’agir politique par les COP (Conférence des Parties) sur le climat s’appuie en majeure partie sur les scénarios du Groupe 1 du GIEC, bien que ces derniers laissent sur le côté une part substantielle de l’imprévisible.
Cette journée transversale de recherche porte sur deux concepts nouveaux, le « Reste » et le « Reste causal ». Le plus souvent, les modèles, les théories, les scénarios ou les quantifications ne peuvent prétendre couvrir la totalité des aspects des phénomènes réels qu’ils ont vocation à approcher. Ce constat prend une importance particulière dans le contexte actuel d’incertitudes radicales. L’introduction du concept de Reste associé à un modèle, une théorie, un scénario ou une quantification, permet de rassembler les aspects qui ne sont pas pris en considération. Le concept de Reste causal, quant à lui, constitue un complément associé à une représentation de l’évolution passée, présente ou future d’un phénomène donné, qui rassemble les phénomènes influençant ou pouvant influencer cette évolution, mais qui ne sont pas pris en compte dans cette représentation.
Les concepts de Reste et de Reste causal ont émergé d’une étude[1] des projections climatiques menant jusque la fin du XXIe siècle, fondées sur la modélisation du climat et publiées par le Groupe 1 du GIEC. Ces projections ont un Reste causal dans lequel se trouvent des phénomènes d’un haut niveau d’imprévisibilité qui pourraient nettement amplifier le réchauffement du climat au cours du XXIe siècle. Si bien que ces projections, si elles ne sont pas accompagnées de la présentation de leur Reste causal, donnent une représentation édulcorée du changement climatique, une représentation qui invisibilise des risques majeurs. Pourtant, ces projections servent de référence pour définir les politiques climatiques.
La mobilisation des concepts de Reste et de Reste causal tout au long du triptyque Science/Expertise/Politique vise, notamment, à améliorer la prise en compte de l’imprévisible dans les décisions du domaine des politiques publiques et du domaine de l’innovation. L’objectif de la journée transversale de recherche est un enrichissement théorique de ces deux concepts et une exploration de leur portée au-delà de la seule question du changement climatique, dans des champs différents, le plus souvent transdisciplinaires. Pour bien montrer leur portée potentielle, le Reste et le Reste causal seront mobilisés dans différents champs : la modélisation mathématique, l’étude des risques, la santé, l’innovation, la recherche en biologie, les scénarios du GIEC, les programmes de l’enseignement secondaire, etc. Enfin, l’apport de la recherche participative à la connaissance, à la mise en visibilité, voire à la réduction d’un Reste ou d’un Reste causal, sera également abordé.
La journée s’articulera autour de présentations orales suivies de discussions avec la salle. Une table ronde finale dessinera les contours d’un réseau ou d’une communauté de recherche sur la question de la quantophrénie[2] et de l’imprévisibilité à travers les concepts de Reste et de Reste causal. Chercheurs, doctorants et post-doctorants, responsables, personnels politiques et acteurs privés font partie des publics visés par cette journée de recherche.
[1]Ces deux concepts épistémologiques sont issus de la thèse GIEC, une dialectique science et politique, de la quantophrénie et de l’imprévisible, soutenue par Marc Delepouve au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) en juin 2023 et préparée au sein du laboratoire HT2S-CNAM sous la direction de Bertrand Bocquet et la codirection de Jean-Claude Ruano-Borbalan.
[2] Tendance à limiter les représentations des phénomènes ou des objets aux seules représentations quantifiées, à nourrir les processus de décision politique de ces seules représentations quantifiées, et à largement utiliser des critères quantitatifs comme outil de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques.