Mai 2018, “La connaissance, au cœur des processus d’innovation” par Blandine Laperche et Sophie Mignon
La question des facteurs favorables à l’innovation n’est pas nouvelle. Lorsque le progrès technique a émergé de la boîte noire dans laquelle les économistes néoclassiques l’avaient enfermé, les origines de l’innovation devinrent un enjeu dans l’analyse contemporaine en économie et en sciences de gestion. Sur le plan macroéconomique, les théoriciens de la croissance endogène ont considéré l’innovation comme un phénomène inscrit dans la sphère économique et impulsé par les investissements des secteurs privé et public. Les économistes industriels ont complété les outils analytiques par une approche plus institutionnelle, basée sur l’identification des principaux acteurs impliqués dans le processus d’innovation et leurs relations qui forment un ciment des éléments isolés du système. A travers un ensemble de règles et de lois qui offrent des incitations et des contraintes pour l’action privée, les Etats sont appelés à construire un cadre légal d’accumulation propice à la production de connaissances et à l’innovation.
Les théories managériales, ainsi que les approches micro-économiques, placent également l’innovation au cœur de leur agenda scientifique. En particulier, ils étudient les capacités dynamiques des acteurs et, au sein de celles-ci, les capacités d’absorption qui ouvrent clairement l’entreprise sur son environnement. La capture de l’information, la transformation de l’information en connaissances par des mécanismes d’apprentissage, la création de routines organisationnelles, la gestion et la construction de la proximité (géographique, relationnelle, cognitive….) entre partenaires impliqués dans un processus d’innovation sont des facteurs clés de créativité et d’invention au niveau des entreprises et des étapes cruciales vers la diffusion de l’innovation vers les consommateurs. Non seulement la qualité intrinsèque du projet, mais aussi les traits personnels de l’entrepreneur (son charisme, son leadership …), ainsi que ses compétences managériales, sont essentiels pour faire face aux risques du processus d’innovation.
Ces facteurs sont déterminants pour la réussite de l’innovation en collaboration, désormais déployée dans les entreprises, grandes et petites. Il est en effet désormais admis que les firmes n’assument plus seules la gestion de leurs innovations. Ces dernières reposent sur une contribution de plusieurs acteurs : clients, fournisseurs, concurrents, universités, centres de recherches. Mais l’innovation ouverte ne va pas de soi et surtout le partage et la co-construction de connaissances dépendent de biens d’autres éléments que de la simple signature d’un contrat ! Les questions qu’étudient les chercheurs et en économie et en management de l’innovation sont les suivantes : Quels types de connaissances (codifiée ou tacite) peut-on transférer ? Comment transférer les connaissances tacites ou enracinées nécessaires à la créativité ? Quel est le rôle des acteurs relais/pivots entre deux organisations? Comment ces échanges de connaissances participent-ils aux processus d’innovation ? A quel stade ces échanges sont-ils le plus intenses ? Comment concilier les processus d’exploration et d’exploitation ?
Par leurs contributions respectives, les articles de ces numéros d’Innovations (Innovation et Cognition I-REMI n°55, 2018/1 et Multi-Scale Innovation I-JIEM n°25, 2018/1 ) nourrissent la réflexion sur les moteurs et les dynamiques inter-organisationnelles/individuelles entre acteurs (usagers, fournisseurs, concurrents) engagés dans un processus d’innovation.