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Systèmes Produit Service : Nouveaux modèles de production et de consommation

Face à l’épuisement des modèles productifs fordistes reposant sur les gains de productivité et la vente au volume, les entreprises sont à la recherche de nouveaux modèles économiques. L’une des stratégies consiste en la servicisation ou « servitization » des biens ou de « services autour des produits ». Le terme « Système produit-service » (SPS) est celui qui s’est généralisé dans la littérature à partir du milieu des années 1990. Les SPS sont perçus comme source de nouvelles performances économiques, sociales et environnementales. Qu’en est-il exactement ?

L’introduction de prestations de service dans ces systèmes suit des logiques très différentes.

Les SPS orientés produit consistent en l’ajout de services additionnels à un produit vendu dans un modèle économique traditionnel tels que le financement d’un bien, la formation à son usage, l’assurance, sa maintenance, sa reprise en fin de vie…. Les exemples sont nombreux, comme les magasins de bricolage qui ouvrent des espaces collaboratifs, techshop ou labs ou proposent des Mooc pour les bricoleurs du dimanche et des… autres jours. On les trouve aussi dans l’industrie, dans une relation B to B, où les producteurs d’acier par exemple adaptent leur offre aux besoins spécifiques de chaque client. Ces offres de solutions disposent d’un degré de complexité plus élevé que la vente du produit seul mais le mode de transaction reste inchangé (le transfert de la propriété du produit au consommateur).

Les SPS orientés usage relèvent de la vente de l’usage ou de la disponibilité d’un produit, non possédé par le client. Dans ce système, l’usage du produit est vendu, non le produit lui-même. Les fournisseurs de ce service conservent la propriété des actifs matériels supports des offres de solutions. La consommation collective et les ventes de fonctions d’usage relèvent de cette catégorie. Les locations d’imprimantes ou les contrats de location de voitures (leasing), mais aussi de literie (!) entrent dans cette catégorie. Les fournisseurs prennent en charge l’ensemble des dépenses liées à la mise en œuvre des actifs matériels sur l’ensemble de leur cycle de vie, y compris en phase d’utilisation. Les fournisseurs ont ainsi intérêt à en optimiser la performance.

Les SPS orientés résultat proposent la vente d’un résultat, ou bien d’une capacité à faire, au lieu de la vente d’un produit. Les exemples sont moins nombreux mais concernent l’offre d’un service complet de déplacement adapté au besoin, ou encore d’énergie. Le producteur garantit la satisfaction des besoins du consommateur, quelle que soit la combinaison de produits et services utilisés. Dans ce système, la responsabilité des producteurs est accrue. Ces modèles, plus innovants, augmentent la valeur fournie à l’utilisateur. L’usage du produit initial ou la consommation du service est plus efficient.

Le passage de la vente de biens à l’usage d’un service est souvent perçu comme un moyen de diminuer l’empreinte environnementale. Le producteur restant, dans les formes les plus élaborées de SPS, propriétaire du bien, les stratégies d’obsolescence programmée seraient ainsi contrecarrées, au bénéfice de la durabilité des biens et de la satisfaction du consommateur. Mais l’utilisation de systèmes produit-service permet-elle d’accélérer ce processus ? Rien n’est moins sûr. L’utilisation de services et de matériaux plus durables n’empêche pas les effets rebonds, autrement dit l’accélération de la consommation des services et des supports associés. Seules certaines déclinaisons des systèmes produit-service sont susceptibles d’améliorer l’empreinte environnementale. C’est aussi le challenge proposé par l’économie de (la) fonctionnalité. Des liens entre les travaux sur l’économie de (la) fonctionnalité et la notion de SPS existent. Dans les deux cas, certaines applications de ces modèles ne sont pas véritablement en rupture par rapport au modèle de croissance matérielle intensive, tout dépend des formes d’échanges proposés. Finalement, les SPS ont avant tout un objectif économique, continuer de faire du profit en se démarquant de la concurrence. Ils permettent d’évoluer vers un modèle plus « captif », par le principe de l’abonnement, qui permet de lisser les entrées d’argent et d’assurer une fidélisation du client sur le moyen ou le long terme.

Certains SPS sont innovants par l’écosystème d’acteurs qu’ils nécessitent pour être mis en place. L’association de produit-service peut requérir de nombreuses compétences qu’une entreprise ne peut maîtriser seule. Par conséquent, la mise en place de tels SPS contribue à la création de réseaux d’acteurs et d’infrastructures d’appui. La mise en place de ces systèmes implique des changements technologiques et organisationnels conséquents. Le degré d’innovation sous-jacent au développement des SPS renvoie notamment aux notions d’exploitation, d’exploration et d’ambidextrie organisationnelle. L’innovation nécessite de la part des partenaires le déploiement de capacités d’apprentissage collectif. Elle implique aussi la collaboration de parties prenantes telles que les consommateurs ou les collectivités territoriales. Dans certains cas, les consommateurs sont au cœur du système comme la consommation collaborative (par exemple les services de partage de vêtements entre consommateurs). Les SPS permettent alors de minimiser les problèmes d’asymétrie informationnelle en diminuant les barrières entre l’offre et la demande.

Par ailleurs, ces SPS, pour être pérennes, développent de nouveaux systèmes d’évaluation reposant sur leur représentation collective. Les acteurs réfléchissent ensemble aux enjeux communs et coproduisent des méthodes d’évaluation ad hoc destinées à favoriser le bon fonctionnement des SPS en vue de proposer des solutions complexes améliorant la performance économique, social et environnementale de l’échange.

Céline Merlin Brogniart

Université de Lille (Clersé)

Blandine Laperche

Université du Littoral Côte d’Opale (Lab.RII)

A lire :

Les systèmes produit-service